Ça gagne combien d’écrire un livre ?
#004. Droits d'auteurs. Conflit entre les auteurs et les éditeurs sur leur rémunération.
Aussi passionnés que nous puissions tous l’être par ce qui nous anime, il n’en demeure pas moins une réalité financière et la nécessité de gagner sa vie, du moins après un certain délai variable pour se lancer.
Dans Le Grand Plongeon et Vivre de sa passion, on a demandé combien de temps ça leur a pris ou combien de temps ils s’étaient donné pour se payer. Même si les réponses divergent selon les situations (personnelles, familiales…), il y a une durée commune qui s’est malgré tout nettement détachée : 2 ans.
2 ans avant de se payer. Qu’en dites-vous ?
La semaine dernière, le sujet de la rémunération des auteurs a fait les gros titres de la presse. Alors que plusieurs syndicats d’auteurs, aux côtés du ministère de la Culture, œuvrent pour une rémunération minimale des auteurs, le SNE (Syndicat National de l’Edition), leur a fermé la porte. Ce n’est toutefois pas fini, et je suis curieuse de voir comment cela va évoluer.
Car en créant ma maison d’édition, je me suis forcément interrogée sur la rémunération des auteurs - et contre l’avis et des recommandations reçues - j’ai décidé de la modifier. Et en lisant ces articles, je me demande finalement si je suis allée assez loin, et cela me fait réfléchir à nouveau. Car hormis les auteurs de Best-sellers, ça se saurait si les écrivains réussissent à vivre de leur plume…
Alors, ça gagne combien d’écrire un livre ?
Autrement, je vous partage mon tout 1er réel avec les coulisses de l’impression. Les palettes ont quitté l’imprimeur ce midi d’ailleurs - avec une semaine de retard à cause de soucis d’approvisionnement -, ce n’est pourtant pas faute d’avoir commandé le papier il y a 6 mois. Heureusement, j’avais prévu 10 jours de marge, mais ça réduit les échos en pré lancement.
J’ai tout de même reçu entre temps et en express les 4 premiers exemplaires : un moment unique, la découverte de chaque nouveau livre, et cette odeur du papier qui sort de l’imprimeur…
Sur ces notes, pas de newsletter pendant les vacances. Je m’envole pour quelques jours bien mérités, pendant lesquels j’espère déconnecter, avant la sortie du prochain livre et après un été surchargé.
Pensez à précommander votre exemplaire, et à noter dans votre agenda la soirée du 8 novembre prochain chez Wecandoo pour partager un verre et repartir avec votre exemplaire dédicacé !
Bonne lecture.
Prescillia Fontenay,
Editrice
Combien ça rapporte d’écrire un livre ?!
Est-ce que, sous prétexte qu’on écrit un roman par plaisir et par passion, ou un livre business pour la notoriété, on passe au second plan combien on gagne ?
Oui, clairement.
Je demande systématiquement à mes auteurs leur motivation, même si je la connais et que la raison première est invariablement la même : la notoriété. Se positionner comme expert.
Et je suis très réaliste et transparente avec eux : nul doute qu’ils gagnent bien mieux leur vie avec leur boîte ou leur job, qu’en écrivant un livre. Vraiment aucun doute ! Même s’ils venaient à s’auto-éditer pour supprimer les intermédiaires.
Pour des livres business, j’aurai même tendance à dire que ça coûte de l’argent aux auteurs si on prend le temps passé par rapport aux droits d’auteurs qu’ils vont percevoir.
Combien ça rapporte alors ? Les auteurs sont payés en droits d’auteurs. Un pourcentage moyen compris entre 6 et 8% du prix de vente du livre. Quoi que j’ai récemment rencontré un auteur qui va percevoir 5%, et il paraît que certains éditeurs proposent moins de 5%...
Pour ma part, j’ai décidé de rémunérer entre 8 et 15%. Le pourcentage augmente progressivement au fil des ventes. Plus le livre se vend, plus l’auteur est donc payé.
Je lisais d’ailleurs que les auteurs de Best-sellers comme le duo Diane Le Feyer & Antoine Dole, auteurs de la bande-dessinée Mortelle Adèle (qui a franchi le cap des 11 millions d’exemplaires vendus en France !), mais aussi Joël Dicker ou Riad Sattouf, arrivaient à négocier entre 16 et 20% de droits d’auteurs.
Face à ces divergences de rémunération, plusieurs syndicats d’auteurs s’unissent pour instaurer un taux plancher, et revaloriser la rémunération des auteurs en demandant un taux plancher de 10%.
La semaine dernière, le Syndicat National de l'Édition (SNE) a refusé de négocier. Un article paru dans Les Echos explique : “C’est un “non” franc que vient d’adresser le Syndicat National de l'Edition (SNE) à plusieurs syndicats d’auteurs, ainsi qu’au ministère de la Culture, concernant l’instauration d’une rémunération minimale pour les auteurs. “Sur le plan économique, un minimum garanti, tout comme un taux minimum de rémunération, remettrait en question l’économie propre à chaque secteur et à chaque ouvrage, ainsi que la péréquation dont on sait qu’elle permet la diversité éditoriale et la vitalité des réseaux distribution”.
Ainsi, le SNE, réunissant tous les grands éditeurs français (Hachette, Editis, Gallimard, Média-Participations) est totalement opposé à la rémunération minimale des auteurs qui est actuellement discutée dans le cadre de négociations interprofessionnelles menées avec le Conseil permanent des écrivains, dans le cadre d’une médiation, sous l’égide du ministère de la Culture.
Bon, tout cela ne répond toutefois pas à la question. Les pourcentages, ça n’est pas très parlant…
Dans la profession, la plupart des éditeurs versent un "à-valoir". C’est-à-dire une avance sur les droits d’auteurs. Dans la réalité, c’est souvent la seule rémunération que les auteurs perçoivent, qui peut être éventuellement considérée comme l’équivalent de la rémunération globale du livre.
Alors si je dois donner un chiffre médian parmi les auteurs à qui j’ai posé la question, je dirai 3500€.
3500€ : voilà combien ça paye d’écrire un livre ?! Attention toutefois, c’est un chiffre à prendre avec beaucoup de pincettes. Tout dépend du nombre de ventes (avec des potentiels très variables également entre les secteurs). Et tout dépend de l’auteur… et de son réseau, car c’est souvent de lui que découle les ventes en réalité. Si vous analysez un peu, vous remarquerez que les éditeurs éditent essentiellement… des influenceurs. Des auteurs qui ont une communauté existante sur Linkedin, Instagram ou ailleurs, peu importe leur légitimité et la qualité finale du texte, pas toujours au Rendez-vous.
Bon, c’est bien facile de critiquer. Mais pourquoi les auteurs sont-ils si peu payés ? La réalité, c’est quand même que ce n’est pas un secteur qui gagne bien.
En tant que nouvelle, je peux me permettre de dire que s’y retrouver financièrement, ce n’est pas gagné (surtout quand on est petit en tout cas), et qu’on prend un risque financier à chaque livre. D’ailleurs, tous les éditeurs s’accordent pour dire que les best-sellers de leur catalogue permettent de financer les titres plus confidentiels et les jeunes auteurs à lancer.
La (ma) réalité, c’est que la remise libraires va jusqu’à 40% du prix de vente, à laquelle s’additionne 10% pour le distributeur, puis 10% pour le diffuseur, et 5% de variable complémentaire selon le taux de retour (car dans l’édition, c’est inédit, mais il y a un droit de retour, qui sont pour autant devenus invendables dans le même temps, car détériorés - alors que dans les autres secteurs, les points de vente fonctionnent en achat ferme). Ce qui, additionné, représente jusqu’à 65% du prix de vente hors taxe (ouf, la TVA est de 5,5%). Mais il ne reste pas grand chose…
35 à 40%. Desquels je retranche 8 à 15% de droits d’auteurs… Il reste en moyenne, disons 25%, pour financer a minima la correctrice, le maquettiste, l’imprimeur, le stockage et la logistique, le marketing, me payer… Chaud !
Pour autant, ça ne m’empêche pas de m’engager jusqu’à 15% en droits d’auteurs, ni de m’engager à planter des arbres. Pourquoi ? Car ça me semble impératif. Non négociable. De la même manière que les 40% demandés par la FNAC ne sont pas négociables, et bien là aussi, c’est du non-négociable pour ma part. A moi de trouver des solutions et de repenser le modèle économique. Un peu comme l’industrie de la musique il y a plusieurs années, je crois que l’édition a elle aussi besoin de se réinventer. A voir si j’y parviendrai, et si j’aurai les reins assez solides, mais je veux y croire. D’ailleurs, si vous avez envie de participer à cette aventure d’une quelconque manière ou juste d’échanger à ce sujet, faites-moi signe.
En tout cas, lorsque je lis ce type d’articles de presse, je suis contente d’avoir pris des décisions dans ce sens, sans y être contrainte, mais car cela fait partie des engagements que je souhaite porter en tant que nouvel éditeur.
Vous avez loupé les 3 premiers numéros de cette newsletter ? Les voici :
J’espère que cette 4ème édition de ma newsletter de jeune éditrice vous a plu. Si vous aimez mon travail, parlez-en autour de vous, transférez la newsletter, (pré)commandez les livres, suivez-moi sur Instagram @prescilliafty et @outjo_editions et n’hésitez pas à m’écrire sur prescillia@outjo.fr.
Je relayerai ici mes appels à auteurs, extraits de livres publiés et à venir, je vous proposerai de participer aux prochains ouvrages et je vous partagerai des réflexions et changements que j’espère réussir dans le milieu de l’édition, à commencer par la réévaluation du pourcentage reversé en droits d’auteurs et l’engagement de planter des arbres.
Rendez-vous ponctuellement, le lundi soir dans votre boîte mail, j’espère.
Merci de m’avoir lue jusqu’au bout, et n’oubliez pas d’en parler.